Le rouge : une couleur impériale … symbole du pouvoir

Le sang et le feu qui étaient vénérés dans les croyances primitives, donnèrent naissance à des maîtres de cérémonie qui sont devenus, par la suite, les membres de la famille impériale, ou des nobles, qui se sont appropriés terres et richesses. Puisque les objets rouges étaient censés contenir la vie et la force, pouvoir chasser les mauvais esprits, et apporter la chance et le bonheur, le rouge est évidemment devenu la couleur réservée à la famille impériale et aux nobles.

Selon l’antique conception philosophique chinoise, toutes les choses du monde sont composées de métal, de bois, d’eau, de feu et de terre, ces cinq éléments correspondant aux cinq couleurs de base : le blanc, le vert, le noir, le rouge et le jaune. Les empereurs croyaient que leur règne était régi par un mécanisme de succession et par le processus de fonctionnement de ces cinq éléments. Ainsi, ils ordonnaient au Ministère des Rites de déterminer, selon les astres, l’élément dominant de leur dynastie, afin de définir la couleur qui marquerait leur règne.

Ainsi, si le Ministère des Rites déterminait que l’élément dominant de cette dynastie était le métal, la dynastie était marquée par la couleur blanche. Pour se conformer au désir du Ciel, on respectait le blanc pendant toute la durée du règne, afin de s’attirer les bonnes grâces du Ciel, et prolonger la durée de la dynastie. Si cela ne rendait pas le pays prospère et puissant comme on l’espérait, l’empereur faisait emprisonner l’astrologue … et déterminer de nouveau l’élément dominant.

Selon cette antique tradition, le rouge fut respecté plus de 800 ans sous la dynastie des Zhou (1046 – 221 av. J.-C.), plus de 400 ans sous la dynastie des Han (206 av. J.-C. – 220 ap. J.-C.), plus de 150 ans sous la dynastie des Jin (265 – 420), plus de 300 ans sous la dynastie des Song (960 – 1279), et enfin pendant plus de 270 ans sous la dynastie des Ming (1368 – 1644).

LE ROUGE SYMBOLE DE LA GARDE IMPERIALE

Le rouge a toujours été réservé à la garde d’honneur et aux moyens de transports impériaux.

– Sous la dynastie des Qin, le recouvrement des chars impériaux était noir, mais l’intérieur était rouge.

– Sous la dynastie des Jin, les chars d ‘honneur servant à recevoir les princes étaient tous rouges, et parfois, l’empereur les offraient même aux princes.

– Sous la dynastie des Qi du Sud (479 – 502), les chars rouges étaient réservés aux impératrices, les concubines impériales ne pouvaient que prendre des chars violets, et il était interdit aux autres d’utiliser le rouge.

– Sous la dynastie des Tang, les chars des impératrices étaient décorés d’un rideau de brocart rouge.

– Sous la dynastie des Song, le rouge était la couleur des chars des impératrices douairières et des impératrices, et tout était orné de rouge dans ces chars : des fauteuils en laque rouge, des coussins rouges, des décorations rouges, etc. Dans ces mêmes chars, les matelas ouatés et le mobilier, composé de petites tables, de paravents, de rideaux et de fenêtres, étaient exclusivement rouges. Leurs escortes devaient également tenir des parasols d’honneur rouges.

– Sous la dynastie des Yuan (1206 – 1368), des membres de la famille impériale étaient suivis par des escortes tenant des parasols d’honneur rouges et violets.

– La famille impériale de la dynastie des Ming est celle qui a le plus utilisé le rouge parmi toutes les dynasties. Les chars rouges étaient réservés aux empereurs, aux princes héritiers, aux impératrices douairières, aux impératrices, aux concubines de premier rang et aux princes. Même s’ils avaient des formes et des noms différents, ils étaient entièrement rouges : un char rouge, des décorations rouges, des objets rouges, tout était rouge éclatant. Les chars des fonctionnaires militaires et civils étaient décorés uniquement en vert, car la laque rouge leur était interdite, et les chars du peuple n’étaient laqués qu’en noir.

– Sous la dynastie des Qing (1616 – 1911), le rouge était aussi utilisé sur les chars impériaux, mais uniquement sous forme de rubans en satin rouge attachés aux chars, d’un matelas ou d’un tabouret rouge dans le char, et d’une gouttière à doublure en satin sur l’auvent du char. Les chapeaux et les habits de pluie des membres de la famille impériale et des hauts fonctionnaires étaient tous rouges, car on croyait à cette époque que le rouge protégeait contre l’eau, c’est pourquoi la doublure des gouttières des chars étaient également en satin rouge.

L’or et le jaune clair remplacèrent progressivement le rouge et devinrent les couleurs principales des chars des membres les plus importants de la famille impériale, comme par exemple l’empereur, l’impératrice, l’impératrice douairière et les concubines. Le rouge resta cependant la couleur principale des chars d’autres membres de la famille impériale, comme par exemple les princes, les fils des princes, les rois des préfectures, les fils de ces rois, les princesses, etc.

Le rouge était toujours interdit aux chars des fonctionnaires et du peuple. Comme sous la dynastie des Ming, les chars du peuple ne pouvaient être laqués qu’en noir, ceux des fonctionnaires et de leur famille étaient décorés en vert, argent, noir et bleu. Dans la garde d’honneur impériale, on voyait aussi des accessoires rouges, comme le parasol, l’éventail, la canne, le drapeau, le bâton, qui représentaient leur prestige hiérarchique.

LE ROUGE DANS LES TENUES VESTIMENTAIRES

Depuis le règne de l’empereur Yangdi des Sui (605 – 618) jusqu’à la dynastie des Qing (1644 -1911), le jaune clair fut la couleur réservée à l’empereur et à la famille impériale, mais le rouge était aussi l’une des couleurs principales des habits de cérémonie de l’empereur, de la famille impériale et des fonctionnaires. A certaines périodes, les vêtements rouges furent interdits au peuple.

Lors des cérémonies de sacrifices, des réunions à la cour et des mariages impériaux, l’empereur et les fonctionnaires devaient s’habiller en habits de cérémonie. Les empereurs et les fonctionnaires de la dynastie des Zhou (Xe siècle – 256 av. J.-C.) portaient des chapeaux qui distinguaient leur niveau social. Ces chapeaux avaient tous une visière relevée : le haut de celle de l’empereur était noir et le bas était rouge ; celle des fonctionnaires comportait plus de rouge et moins de noir. Ils portaient aussi une veste en soie noire, une robe d’un rouge léger et des chaussures à semelle épaisse rouge éclatant.

Sous la dynastie des Qin (221 – 207 av. J.-C.), les habits de cérémonie lors des sacrifices étaient également noirs en haut et rouges en bas.

Pendant la puissante dynastie des Tang (618 – 907), le chapeau que l’empereur portait lorsqu’il rendait un sacrifice au Ciel était noir à l’extérieur et rouge léger à l’intérieur, et deux pendants jaunes tombaient des deux côtés du chapeau sur les oreilles. La doublure des habits de cérémonie était aussi d’un rouge léger, le col et les ouvertures de manche étaient noirs, et les chaussures et les chaussettes étaient de couleur rouge éclatant.

Pour le couronnement de l’empereur, ou lorsqu’il visitait son temple ancestral, revenait d’une expédition, envoyait un général en mission, titrait son impératrice ou un prince, ou enfin recevait les bénédictions de ses fonctionnaires en début de mois, il portait une veste vert foncé, une robe rouge éclatant et un chapeau devant lequel pendaient douze rangs de perles blanches. Sur ses habits étaient brodés douze motifs représentant, entre autres, le soleil, la lune, les étoiles, la montagne, le feu, les herbes aquatiques, les grains de riz blancs et le faisan doré, qui symbolisaient les douze vertus de l’empereur. Quant aux habits officiels des fonctionnaires du cinquième rang et plus, la veste était verte, la robe d’un rouge léger, les chaussures et les chaussettes rouge éclatant.

Le rang d’un fonctionnaire pouvait être distingué selon le nombres de colliers en jade sur son chapeau, le nombre de motifs sur ses habits et la qualité de son épée.

Les règles concernant l’habillement sous la dynastie des Song sont les plus compliquées. Tous les habits portés pour les cérémonies ou les sacrifices devaient être rouges, dans certaines occasions, on portait une jupe rouge, ou on cousait une doublure rouge sur le chapeau ou la veste. Quand l’un des fils de l’empereur était nommé prince héritier, il devait porter le Zhumingyi (une sorte d’habit de cérémonie) tissé de fils d’or et brodé de fleurs rouges, avec une doublure en fil rouge. Le rouge était obligatoire pour l’habit de cérémonie sous la dynastie des Song.

Au début de cette dynastie, les fonctionnaires du troisième rang et plus devaient s’habiller en violet, ceux du quatrième et du cinquième rangs en rouge éclatant, ceux du sixième et du septième rangs en vert, ceux du huitième et du neuvième rangs en vert foncé. Une expression chinoise dit : « être rouge jusqu’au violet» ; cela signifie que plus la couleur de l’habit d’un fonctionnaire se rapproche du violet, plus son rang est élevé.

La dynastie des Yuan fut établie par les Mongols, une ethnie minoritaire du Nord. Elle avait une hiérarchie très stricte, surtout concernant les habits de cérémonie. Le Yanfu, habit de cérémonie principal de l’empereur, était vert en haut et rouge en bas, l’intérieur était décoré d’une dentelle rouge éclatant. Bien que la couleur principale des vêtements de l’empereur fût le jaune, il portait un chapeau et des vêtements rouge éclatant en hiver. La famille impériale et les nobles aimaient les bijoux rouges et violets, et sur la couronne de l’empereur, on pouvait admirer un énorme rubis.

Les règles concernant les habits des fonctionnaires sous la dynastie des Tang furent suivies sous la dynastie des Ming, mais la distinction hiérarchique était plus marquée, et la couleur rouge de la jupe devint plus éclatante. L’habit de cérémonie de l’impératrice, qui était rouge, fut changé par la suite en jaune. Cependant, les vêtements rouges étaient toujours interdits au peuple.

Nous avons précédemment mentionné que la famille impériale des Ming se croyait aidée et protégée par le feu, ainsi, elle vouait un culte au rouge, et ne tolérait pas l’idée même du partage de la protection apportée par le rouge. Elle interdisait donc au peuple de laquer en rouge ses meubles et ses objets comme la table et les chaises, les bols et les tasses. Cela prouve que la laque rouge était déjà utilisée dans la vie quotidienne du peuple avant la promulgation de cette interdiction.

Sous la dynastie des Qing, le rouge n’était pas réservé à la famille impériale, mais le jaune clair et le vert-jaune étaient interdits au peuple. La famille impériale affectionnait tout de même le rouge, et l’empereur et l’impératrice avaient leur chapeau décoré de rouge. Par élégance, les nobles accrochaient à leur chapeau un Hongman, une frange en fil rouge d’une longueur de plus de 30 cm, qui tombait et attirait les regards. Les chapeaux des fonctionnaires du premier et du deuxième rangs étaient décorés respectivement de rubis et de coraux rouges.

LE ROUGE DANS L’ARCHITECTURE CHINOISE

En tant que couleur noble, le rouge tient une place très importante dans l’architecture chinoise. Les nobles recouvraient leur porte de rouge, ainsi, « la porte rouge» est-elle devenue le symbole des familles riches et puissantes.

Quelquefois, des nobles laquaient toute leur maison en rouge, excepté le toit, on appelait alors leur maison « pavillon rouge ». Près de ces pavillons rouges, il y avait toujours des saules aux longues lianes agitées par le vent, qui évoquaient les pensées des romantiques. Dans des poèmes écrits sous les dynasties des Tang et des Song, les belles filles nobles habitaient toujours dans des pavillons rouges, s’appuyant contre une balustrade laquée en rouge, et soupirant en pensant à leur amant.

Dans beaucoup de poèmes, le pavillon rouge est toujours placé dans le lointain, ce qui exprime la grande différence entre les origines de l’auteur et celles des personnages du pavillon rouge. Même pour un lettré prometteur, un pavillon rouge était complètement inaccessible. Ainsi, les poètes ne faisaient-ils qu’imaginer l’intérieur du pavillon rouge. Ils pouvaient seulement détailler avec véracité les pavillons verts.

Il n’y a qu’une nuance entre le rouge et le vert, mais en Chine, à cette époque, la différence était aussi grande que celle entre le ciel et la terre. Les filles des pavillons verts devaient être belles et posséder de multiples talents, c’était l’exigence de leur profession, elles étaient le plus souvent chanteuses ou filles de joie, ce qui leur occasionnait une considération moins importante. Parmi leurs clients, beaucoup étaient des poètes ou des peintres, qui s’inspiraient pour leurs créations des confidences de ces femmes.

Grâce aux visites de leurs amis intimes, les filles des pavillons verts étaient plus heureuses que celles des pavillons rouges, qui vivaient dans un isolement total. Sous la dynastie des Qing, Cao Xueqin (1715 environ – 1763), grand écrivain noble, a écrit un roman intitulé Le Rêve dans le Pavillon rouge. Il y raconte l’histoire de filles nobles vivant dans un pavillon rouge, qui sont intelligentes, mais malheureusement mènent une existence malheureuse et sont peu connues des gens du peuple.

Dans la Chine ancienne, seuls les murs des palais impériaux et des temples pouvaient être laqués en rouge. Les saules et les murs rouges montraient la souveraineté impériale, un coin de mur rouge parmi des vieux pins et des cyprès symbolisait l’entrée du monde bouddhique et du monde taoïste, personne d’autre ne pouvait se permettre cela dans la construction de sa maison. Sous la dynastie des Ming, les fonctionnaires, d’après leur rang, pouvaient laquer leurs portes, leurs fenêtres, et leurs poutres de couleur or, vert émeraude, noire, kaki, verte, rose, la famille impériale se gardant la couleur rouge.

Ainsi, dans l’architecture chinoise, les palais et les temples sont principalement laqués en vermillon. Ces constructions sont facilement repérables à Beijing de par leur couleur. Les palais et les temples les plus importants des trois dynasties des Yuan, des Ming et des Qing se situent tous dans la ville de Beijing.

Beijing était appelé Dadu sous la dynastie des Yuan (1271 – 1368). Selon les récits de Marco Polo (1254 – 1324), l’explorateur italien, qui s’est rendu à Beijing à cette époque-là, le palais impérial était le plus grand palais du monde, 6 000 personnes y vivaient. Ses toits étaient de toutes les couleurs, « vermillon, jaune, vert, bleu, ainsi que d’autres couleurs qui s’harmonisent parfaitement avec les vernis de couleur, raffinés comme du cristal, ce qui fait briller le palais de mille feux. » On peut constater que parmi toutes ces couleurs, Marco Polo cite en premier le vermillon, c’est probablement dû à l’intensité de cette couleur, et c’est aussi celle qui est la plus visible et la plus utilisé dans le palais.

Après la prise de Dadu par les ennemis des Ming, Zhu Yuanzhang (1328 – 1398), l’empereur Hongwu des Ming, au début de son règne, envoya Xiao Xun, un fonctionnaire du Ministère de la Construction, étudier le palais de la dynastie des Yuan, les études de Xiao Xun sont donc les plus fiables et les plus détaillées. Selon cette source, sous la dynastie des Yuan, les colonnes de la grande salle où avaient lieu les cérémonies de couronnement, du Nouvel An et d’anniversaire de l’empereur étaient rouges, recouvertes d’or et sculptées de dessins de dragons (symbole de l’empereur), il y avait aussi des fenêtres rouges sculptées sur chaque mur. Les balustrades et les marches en marbre étaient peintes en rouge et les toits en Or.

Les palais des dynasties des Ming et des Qing conservèrent cette tradition. La Cité interdite, qui fait partie du patrimoine culturel mondial, est le palais impérial le mieux conservé. Après l’arrivée des Mandchous sur le trône, ils ne firent que réparer et améliorer toute l’architecture du palais. Les couleurs dominantes étaient le rouge et le jaune, les grands toits d’une courbure raffinée tendant vers le ciel étaient jaune d’or, et les murs, les portes, les fenêtres, les colonnes et les poutres étaient rouges et recouverts d’or, des motifs de bonheur étaient peints en vert, violet et bleu sur les avant-toits. Ce grand palais paisible forme un rectangle avec son enceinte rouge, de nos jours ses murs ont viré au rouge brun. La porte Tian’anmen devant le Palais impérial, le Temple de Confucius et le Temple des Lamas non loin du palais, sont tous des constructions classiques dont les couleurs dominantes sont le rouge et le jaune d’or. Leurs colonnes vermillon et or sculptées, forment un tableau magnifique parmi les arbres verts.

Comme nous l’avons noté, le rouge a toujours été dominant dans l’architecture chinoise. En général, le rouge n’était pas utilisé pour les toits, à la différence de l’Occident. La seule exception est le temple Ritan (le Temple du Soleil), un lieu où l’on offrait des sacrifices au dieu du Soleil, le toit de sa grande salle est couvert de tuiles vernissées de rouge, pour la même raison que la grande salle du Temple du Ciel est vernie en bleu, parce que le soleil est rouge et le ciel est bleu. En dehors des autels du dieu du Soleil et du dieu du Ciel, on ne peut trouver aucun toit rouge ou bleu dans l’architecture de la Chine ancienne. Les pierres précieuses offertes au dieu du Ciel et au dieu du Soleil étaient respectivement bleues et rouges. Les dieux de la Terre et de la Lune étaient aussi vénérés de cette façon.